mardi 15 avril 2008

La fille et le loup

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Le Petit Chaperon rouge dans les versions orales
Version du Velay




Photo de Sarah Moon


La fille et le loup

Une petite fille était affermée dans une maison pour garder deux vaches. Quand elle eut fini son temps, elle s’en est allée. Son maître lui donna un petit fromage et une pompette de pain.
- Tiens, ma petite, porte ça à ta mère. Ce fromage et cette pompette, y aura pour ton souper quand tu arriveras vers ta mère.
La petite prend le fromage et la pompette. Elle passa dans le bois, rencontra le loup qui lui dit :
- Où vas-tu, ma petite ?
- Je m’en vais vers ma mère. Moi j’ai fini mon gage.
- T’ont payée ?
- Oui, m’ont payée, m’ont donné encore une petite pompette, m’ont donné un fromage.
- De quel côté passes-tu pour t’en aller ?
- Je passe du côté de les épingles, et vous, de quel côté passez-vous ?
- Je passe du côté de les aiguilles.
Le loup se mit à courir, le premier, alla tuer la mère et la mangea, il en mangea la moitié, il mit le feu bien allumé, et mit cuire l’autre moitié et ferma bien la porte. Il s’alla coucher dans le lit de la mère.
La petite arriva. Elle piqua la porte :
- Ah ! ma mère, ouvrez-moi !
- Je suis malade ma petite. Je me suis couchée. Je peux pas me lever pour t’aller ouvrir. Vire la tricolète.
Quand la petite vira la tricolète, ouvrit la porte, entra dans la maison, le loup était dans le lit de sa mère.
- Vous êtes malade, ma mère ?
- Oui je suis bien malade. Et tu es venue de Nostera ?
- Oui, je suis venue. Ils m’ont donné une pompette et un fromazeau.
- Ca va bien, ma petite, donne-m’en un petit morceau.
Le loup prit le morceau et le mangea, et dit à sa fille :
- Il y a de la viande sur le feu et du vin sur la table, quand tu aura mangé et bu, tu te viendras coucher.
Le sang de sa mère, le loup l’avait mis dans une bouteille, et il avait mis un verre à côté à demi plein de sang. Il lui dit :
- Mange de la viande, il y en a dans l’oulle ; il y a du vin sur la table, tu en boiras.
Il y avait un petit oiseau sur la fenêtre du temps que la petite mangeait sa mère qui disait
- Ri tin tin tin tin, tu manges la viande de ta mère et tu lui bois son sang.
Et la petite dit :
- Que dit-il, maman, cet oiseau ?
- Il dit rien, mange toujours, il a bien le temps de chanter.
La petite mangea une autre gorgée de viande et but un autre illisible tant soit peu de vin et le petit oiseau toujours criait :
- Ri tin tin tin tin, tu manges la viande de ta mère et tu lui bois son sang.
- Ah ! maman, que dit-il ce petit oiseau ?
- Il dit rien, mange toujours, il a bien le temps de chanter.
Et quand elle eu mangé et bu, le loup dit à la petite :
- Viens te coucher, ma petite. Viens te coucher. Tu as assez mangé, ma petite, à présent eh bien viens te coucher à ras moi. J’ai froid aux pieds, tu me réchaufferas.
- Je vais me coucher maman.
Elle se déshabille et va se coucher à ras sa mère, en lui disant :
- Ah ! maman, que tu es bourrue !
- C’est de vieillesse, mon enfant, c’est de vieillesse.
La petite lui touche ses pattes :
- Ah ! maman que vos ongles sont devenus longs !
- C’est de vieillesse, c’est de vieillesse.
- Ah ! maman, que vos dents sont devenues longues !
- C’est de vieillesse, c’est de vieillesse.. Mes dents sont pour te manger.
Et il la mangea.




Conté en juillet 1874 par Nannette Lévesque,
née vers 1794 à Sainte-Eulalie, Ardèche,
femme illettrée habitant Fraisse, Loire,
in V. Smith, Manuscrit, II, p. 50.


4 commentaires:

M. Ogre a dit…

...C'est vrai que c'est pas simple cette histoire de chemin des épingles et de chemin des aiguilles... Même si dans le symbole, ça continue de me sembler clair... En fait, cela me semble plus logique que le loup s'en aille du côté du chemin des aiguilles, tandis que le PetitChap s'en aille du côté des épingles...
Quand à savoir pourquoi cette différence d'une version à l'autre ??? Là, je sèche...
Mais c'est vraiment tout le plaisir que je prends à découvrir ces différentes versions... C'est magnifique, c'est tellement vivant... On a vraiment la sensation de vous entendre réellement conter cette histoire, même si vous changer d'accent à chaque version... La magie de l'oralité... Je vous attends pour l'accent du Dauphiné... Attention toutefois de ne pas vous enrhumer... il y fait un peu plus froid que chez vous...

PetitChap a dit…

... il ne tient qu'à vous de me raconter cette version ... je ne la connais pas ... Et puis mon accent ne s'accorde pas bien avec celui de cette région ... je ne serais pas crédible !

Quant à l'histoire des épingles et des aiguilles, vous semblez avoir changé d'avis ... Vous dites ici l'exact contraire de ce que vous disiez pour l'autre version ... Hum ... un Ogre changeant ...

Anonyme a dit…

Beuh, cette version en revanche est flippante ! "et il la mangea"... nif.
Mais j'ai une question m'dame !!! Pitètre que tu l'avais déjà dit avant, dans ce cas, pas taper ! d'accord ?
Pourquoi il lui fait manger sa mère, le méchant loup ? Une sorte de rituel ? Vanter le cannibalisme maternel avant la punition inexorable ?

Bon, et c'est quoi cette histoire d'aiguilles et d'épingles ? Ziva, je suis larguée moa dans toute cette oralité... Bon, à moins que j'ai pris les contes par le mauvais bout... Nous v'là bien.

PS : j'aime beaucoup l'illustration.^^

Anonyme a dit…

ben je suis d'accord avec Elbereth, quelle manie de vouloir faire manger ses parents à la fillette!
ça me rappelle l'histoire de Lycaon, qui voulait à tout prix faire manger un homme à Zeus pour éprouver sa divinité...
Mais je suppose que le sens ici est tout autre... à moins que le loup ne tente d'éprouver l'innocence de l'enfant, qui justement va la perdre, mais qui à cause de cette même innocence se fait piéger!!!
aïe bobo la tête là...!
ça se tient comme raisonnement non?! :)