vendredi 3 septembre 2010

1984

Roman adultes
1984

George Orwell
Gallimard (Folio), 2002 - 438 p.

Note : 5/5

Quatrième de couverture : De tous les carrefours importants, le visage à la moustache noire vous fixait du regard. Il y en avait un sur le mur d’en face. Big Brother vous regarde, répétait la légende, tandis que le regard des yeux noirs pénétrait les yeux de Winston… Au loin, un hélicoptère glissa entre les toits, plana un moment, telle une mouche bleue, puis repartit comme une flèche, dans un vol courbe. C’était une patrouille qui venait mettre le nez aux fenêtres des gens. Mais les patrouilles n’avaient pas d’importance. Seule comptait la Police de la Pensée.

J’ai mis longtemps avant d’arriver à lire 1984, mais je dois reconnaître que ça valait le coup. Ce livre est évidemment un chef-d’œuvre… un chef-d’œuvre de part son aspect visionnaire, mais aussi de par l’écriture, de par la narration, de par la fascination qu’il suscite. Une fois entré dans le bouquin, on reste scotché. On est révolté par ce qu’on lit, mais on ne peut en détacher les yeux. Ce qui est effrayant, c’est qu’au fur et à mesure qu’on avance dans la lecture, on accepte l’idée que toute révolution est impossible. Il n’y a aucune possibilité de rébellion ; il n’y a aucune issue.

Ce bouquin fait froid dans le dos. Il glace le sang, et ce n’est pas simplement dû à l’histoire en elle-même, c’est aussi et surtout dû à ce qu’il nous renvoie du monde dans lequel nous vivons. Alors évidemment, il parait improbable qu’un tel gouvernement, un jour, se mette en place. Mais qui sait…

Terrifiant. C’est réellement le mot qui reste après cette lecture.

→ Article complet sur Le Chemin des aiguilles.

jeudi 12 août 2010

Fantasia chez les ploucs

Roman adultes - Roman noir
Fantasia chez les ploucs

Charles Williams
Gallimard (Folio policer), 2008 - 293 p.

Note : 5/5

Quatrième de couverture : La plus fantastique chasse à l'homme du siècle... confusion indescriptible... véritable ruée de volontaires... une prime de 500 dollars... recherchée par le FBI, la police de 23 États et autant de gangsters notoires, la ravissante et déjà célèbre Caroline TchouTchou se serait enfuie presque nue dans les marais... toute la région participe aux recherches...
Décidément, on ne s'ennuie pas à la campagne et, s'il y a des ploucs, ils gagnent à être connus... Finley le prédicateur azimuté... Gimerson qui pleure ses cochons... Le shérif qui devient fou... Et l'oncle Sagamore ! Celui-là, dans son genre, il confine au génie... Ce n'est peut-être pas pour rien si tout se trame sur ses terres... De quoi faire pleurer les z'honnêtes gens... Mais allez prouver quoi que ce soit...


Tout le charme du bouquin vient du fait qu'il est narré par Billy, un petit garçon de 7 ans. Il parle donc avec ses propres mots et sa vision des choses : naïve mais extrêmement attachante.

Sam Noonan (le papa de Billy), un bookmaker véreux, part se mettre au vert dans la ferme très reculée de son frère Sagamore. On est alors en pleine Prohibition, et il s'avère que l'oncle Sagamore, un fainéant à la répartie jubilatoire, fabrique de l'alcool de contrebande. Le shérif et ses adjoints ont un seul objectif : le coincer et le mettre enfin sous les verrous.
Mais voilà que débarque le docteur Severance accompagné de sa "nièce", Miss Harrington, jeune femme au corps splendide qui passe son temps en bikini tout riquiqui... Les "chasseurs de lapins" en smoking et armés de mitraillettes ne tardent pas à montrer le bout de leur nez...

C'est un roman vraiment jubilatoire qui tient évidemment à la ruse et aux combines de ses deux frères mais aussi et surtout à la narration. Le petit Billy ne fait que répéter naïvement ce qu'il voit et entend sans ne jamais rien comprendre à ce que bricolent réellement son père et son oncle. La lecture se fait donc en simultané aux premier et second degrés. C'est hilarant...

Un peu dans le même style, vous pouvez vous lancer dans 1275 âmes de Jim Thompson.

→ À lire d'urgence !

Voici l'homme

Roman adultes
Voici l'homme

Michael Moorcock
L'atalante (La dentelle du cygne), 2001 - 185 p.

Note : 2/5

Quatrième de couverture : Il s'appelait Karl Glogauer. Il avait remonté le temps, du milieu du XXe siècle jusqu'en l'an 28, pour chercher le Christ et assister à sa crucifixion. Maintenant qu'il se trouvait sur la Terre promise, il venait de rencontrer Jean-Baptiste, le prophète, et déjà il lui parlait de celui qu'il désirait voir et dont l'image le hantait depuis toujours bien qu'il fût incroyant.
Mais Jean le Baptiste le regardait, un rien stupéfait. Comme si l'on avait à l'instant prononcé le nom de Jésus de Nazareth pour la première fois devant lui...


Je n'ai absolument pas aimé ce bouquin. Voilà qui est clair. Le récit alterne la vie misérable de Glogauer au XXe siècle et sa vie de messie en l'an 28. Sur le site Amazon, le bouquin est ainsi présenté :

Dans les romans de SF, les histoires religieuses ont souvent un petit côté plus ou moins gentiment blasphématoire. Michael Moorcock n'a donc pas hésité à imaginer, dans Voici l'Homme, que Jésus était en réalité un enfant inadapté à remplir sa mission divine...
Glogauer, un voyageur temporel fasciné par les écritures, se rend à Jérusalem pour assister à la passion du Christ. Il doit vite se rendre à l'évidence : nul n'a jamais entendu parler d'un nommé Jésus. Horrifié, Glogauer prend les choses en main, au point d'accepter d'être crucifié afin que les écritures s'accomplissent...
Habile, Moorcock laisse son lecteur se forger son opinion : le voyage temporel de Glogauer était-il prévu de toute éternité afin que les évangiles puissent exister ou a-t-il réalisé de son propre chef le dessein divin ? Quelques lecteurs crieront au scandale, d'autres y verront un hommage détourné au personnage de Jésus, le seul prophète à fasciner aussi bien croyants que non croyants. Voici l'Homme ne laissera personne indifférent.

Ça parait plutôt alléchant. Croyez-moi, cette présentation est la seule chose valable concernant ce bouquin. Je m'attendais à quelque chose de plus irrévérencieux, d'un brin loufoque et qui aurait généré un soupçon de réflexion. J'aurais aimé que le personnage de Jésus, crétin congénital, ainsi que le personnage de Marie, véritable nymphomane, soient un peu plus développés. Il n'en est question que l'espace de trois lignes...

Au lieu de ça, on a droit aux pleurnicheries incompréhensibles d'un type qu'on ne comprend pas et qu'on n'arrive pas à plaindre. Il n'y a absolument aucune identification à aucun des personnages, aucune empathie. Rien. Je ne sais pas ce qui fait qu'on apprécie ou non un livre, mais là, franchement, je n'y ai absolument rien trouvé.

→ Grosse grosse déception. M'en fout, je vais me rabattre sur "Les aventures miraculeuses de Pomponius Flatus" d'Eduardo Mendoza. Ce qui me fait d'ailleurs penser que je n'ai toujours pas fait d'article pour le chef d'œuvre "Sans nouvelles de Gurb"...

mardi 3 août 2010

La mort du roi Tsongor

Roman adultes
La mort du roi Tsongor

Laurent Gaudé
Actes sud (Babel), 2005 - 204 p.

Note : 5/5

Quatrième de couverture : Dans une Antiquité imaginaire, le vieux Tsongor, roi de Massaba, souverain d’un empire immense, s’apprête à marier sa fille. Mais au jour des fiançailles, un deuxième prétendant surgit. La guerre éclate : c’est Troie assiégée, c’est Thèbes livrée à la haine. Le monarque s’éteint ; son plus jeune fils s’en va parcourir le continent pour édifier sept tombeaux à l’image de ce que fut le vénéré — et aussi le haïssable — roi Tsongor.
Roman des origines, récit épique et initiatique, le livre de Laurent Gaudé déploie dans une langue enivrante les étendards de la bravoure, la flamboyante beauté des héros, mais aussi l’insidieuse révélation, en eux, de la défaite. Car en chacun doit s’accomplir, de quelque manière, l’apprentissage de la honte.


Mélange de roman initiatique, de roman de guerre, de roman d'amour, de conte... conte merveilleux et cruel. Tout comme les Scorta, les Tsongor trainent une malédiction. Et elle s'abat dès que le vieux roi choisit de se donner la mort.

L'écriture est fluide, juste, musicale. Elle parait aller de soi. Laurent Gaudé nous fait pénétrer dans une antiquité imaginaire et on le suit les yeux fermés. Il nous conte une histoire tragique et tous les personnages prennent soudainement vie : on les voit, on les entend, on les sent.

La mort du roi Tsongor, tout comme Le soleil des Scorta, est un pur chef-d'œuvre, un bijou de littérature. Et Laurent Gaudé est en passe de devenir un de mes auteurs fétiches...

→ Il vient d'accéder au rang d'Incontournable dans ma bibliothèque.

La femme en vert

Polar
La femme en vert

Arnaldur Indridason
Points policier, 2007 - 346 p.

Note : 4/5

Quatrième de couverture : Dans un jardin sur les hauteurs de Reykjavik, un bébé mâchouille un objet étrange... Un os humain ! Enterré sur cette colline depuis un demi-siècle, le squelette mystérieux livre peu d'indices au commissaire Erlendur. L'enquête remonte jusqu'à la famille qui vivait là pendant la Seconde Guerre mondiale, mettant au jour les traces effacées par la neige, les cris étouffés sous la glace d'une Islande sombre et fantomatique...

Après La cité des jarres, voici le deuxième opus des aventures du commissaire Erlendur.

La femme en vert est un polar, mais c'est finalement assez accessoire. Un corps a été retrouvé enterré, il semble qu'il soit là depuis de longues années. Il faut bien trouver qui est cette personne et pourquoi ce corps est enfoui à cet endroit, mais ce n'est finalement qu'un prétexte à un voyage dans les mémoires. Plusieurs histoires s'entremêlent, celle de l'enquête, bien sur, celle d'une femme battue il y a cinquante ans, celle d'Eva Lind, la fille d'Erlendur, droguée et dans le coma, mais aussi celle de l'enfance du commissaire.

On retrouve cette même ambiance froide et désabusée de La cité des jarres, ce rythme lent que j'avais également apprécié dans le précédent opus. J'imagine que ce n'est peut être pas ce que l'on attend "naturellement" quand on lit un polar, mais moi,j'aime beaucoup.

mardi 27 juillet 2010

Ce cher Dexter

Polar
Ce cher Dexter

Jeff Lindsay
Points thriller, 2006 - 308 p.

Note : 4/5

Quatrième de couverture : Il est lui-même serial-killer quand il ne s'emploie pas à les traquer. Lui, c'est Dexter, expert au service médico-légal de Miami. Un homme tout à fait moral : il ne tue que ceux qui le méritent. Mais aussi très méticuleux : il efface toute trace de sang après avoir découpé les corps... Un jour, il est appelé sur les lieux d'un crime perpétré selon des méthodes très semblables aux siennes. Dexter aurait-t-il rencontré son alter ego ? Ou serait-ce lui qui...? Impossible...


Dexter Morgan, expert des tâches de sang pour le service médico-légal de Miami est l'exemple parfait du gendre idéal : bel homme, charmant, bien intégré dans la société... sauf qu'il est aussi un impitoyable serial-killer. Oui mais voilà, ce n'est pas un serial-killer ordinaire : certains de ses "confrères" ne s'attaquent qu'aux blondes, d'autres qu'aux enfants, Dexter, lui, ne tue que les serial-killers qui ont échappé à la justice... un serial-killer de serial-killers, en somme.

Dexter Morgan tue donc les serial-killers restés impunis, mais il n'est pas un justicier. Il est un meurtrier de sang froid à qui son père adoptif, un flic, a imposé une éthique : puisqu'il ne peut pas s'empêcher de tuer, et puisqu'il sait qu'il tuera quoi qu'il arrive, autant tuer ceux qui en ont "besoin". La question de l'innocence est fondamentale pour lui, il doit être certain de la culpabilité de sa victime pour pouvoir assouvir pleinement ses plus bas instincts. Alors il tue ; il tue parce qu'il ne peut pas s'en empêcher, parce que c'est un besoin vital ; il tue parce qu'il cohabite avec une voix intérieure, "Le Passager Noir", qui lui ordonne de passer à l'acte.

Je me sentais beaucoup mieux. Comme toujours, après. Tuer me fait le plus grand bien.

Tout se passe donc pour le mieux jusqu'au jour où il est confronté à une série de meurtres de prostituées, "œuvre" devant laquelle il va tomber en admiration tant le travail est "admirable"...

Le roman est rédigé à la première personne. On suit Dexter pas à pas, et on découvre un homme qui se dit dépourvue de toute humanité, qui se déclare incapable de ressentir le moindre sentiment. C'est un roman farci d'humour noir et grinçant, ce n'est certainement pas de la très grande littérature, on passe un très bon moment. Vivement la suite...

Article précédemment publié sur Le Chemin des aiguilles.

vendredi 30 avril 2010

La solitude des nombres premiers

Roman adultes
La solitude des nombres premiers

Paolo Giordano
Points, 2010 - 342 p.

Note : 4/5

Quatrième de couverture : Elle aime la photo, il est passionné par les mathématiques. Elle se sent exclue du monde, il refuse d'en faire partie. Chacun se reconnaît dans la solitude de l'autre. Ils se croisent, se rapprochent puis s'éloignent, avant de se frôler à nouveau. Leurs camarades de lycée sont les premiers à voir ce qu'Alice et Mattia ne comprendront que bien des années plus tard: le lien qui les unit est indestructible.
Né en 1982 à Turin, Paolo Giordano prépare, en parallèle à sa carrière d'écrivain, un doctorat en physique théorique. Il est le plus jeune auteur à avoir été couronné du très prestigieux prix Strega, pour son premier roman La Solitude des nombres premiers.


La quatrième de couverture ne rend pas vraiment compte ni de l'histoire, ni de l'ambiance de ce roman. J'en lis des critiques dithyrambiques depuis plusieurs mois, je n'ai donc pas hésité quand je l'ai trouvé au format poche en librairie.

Mattia est un jeune homme meurtri par la disparition de sa soeur jumelle qui était très retardée mentalement, disparition dont il se sent totalement responsable puisque, pour ne plus être confronté aux railleries de ses camarades, il l'a abandonnée un jour dans un parc.
Alice, elle, est marquée physiquement et psychologiquement par un accident de ski qu'elle a eu dans son enfance, accident dont elle tient pour coupable son père qui la poussait malgré elle dans cette activité.
Ce sont donc deux êtres accidentés qui vont se croiser sur les bancs du collège et qui, malgré les longs silences et les non-dits, vont se lier à vie.

Paolo Giordano réussi à peindre avec merveille les violences de l'adolescence, violences vis à vis des autres, violences vis à vis du corps qui change, violences indélébiles qui marqueront la vie adulte. Alice s'enfonce peu à peu dans l'anorexie ; Mattia s'enfonce quant à lui dans une sorte d'autisme... et aucun ne saura en sortir.

« La solitude des nombres premiers », c'est l'histoire de deux êtres qui ne se sentent pas conformes aux autres, deux êtres qui, tels des nombres premiers, se sentent à l'écart de la société et n'arrivent pas à trouver leur place.

Je ne sais pas bien comment parler de ce livre. Je l'ai dévoré, j'ai été happée par l'histoire, par les personnages. J'ai adoré l'écriture tout en retenue, la façon qu'a Giordano de nous raconter cette histoire, sans tomber dans les clichés ni dans la facilité.

« La plume de Paolo Giordano est un piège qui rend captif dès les premières pages. Ce roman se lit d'une traite, offre au détour d'un paragraphe des instants de vérité pure, nous rend amoureux de ses personnages et nous fait doucement mal, sans aucun pathos, comme sans vouloir déranger. Aérien et triste. Beau. » [Source : Cunéipage via Lecerclepoints]

→ Pour un premier roman, c'est un coup de maître !