Roman adultes

Gabriel Garcia Marquez
Grasset & Fasquelle (Les cahiers rouges), 2004 - 157 p.
Note : 3/5
Quatrième de couverture : Au début il y a le regard d'un enfant. Un enfant qui ne va pas à l'école parce que le temps soudain se paralyse. La mort fait irruption et ce premier bouleversement de l'ordre quotidien lui fait découvrir l'Histoire. Oh ! une histoire ordinaire, un fait divers misérable et qui pourtant, par les yeux élargis du conteur, devient grandiose. C'est Antigone en Colombie et le corps réprouvé d'un médecin qu'un vieux colonel conduira jusqu'à sa sépulture en défiant la haine de tout Macondo. Tel est Des feuilles dans la bourrasque, le premier roman de Gabriel Garcia Marquez. Mais toute l'oeuvre de cet immense romancier ne naît-elle pas du regard d'un enfant qui s'immobilise dans l'espace temporel pour voir passer le monde ?
Certainement pas mon roman préféré de Garcia Marquez, mais il est bien évident que sa patte est présente, largement présente : l'immobilité des choses mêlée à la sensation d'étouffement, le sentiment d'un temps cyclique où rien ne change, jamais... et où tout revient, toujours... et puis il y a l'ennui aussi...
Sur cette histoire de funérailles où le mordibe le dispute à l'odieux, Gabriel Garcia Marquez construit un récit étouffant, circulaire, vertigineux dans le tourbillon des feuilles sèches et le cercle de feu d'un ennui mythologique. Voyage au bout de la nuit putride et tropicale où la chaleur « cogne au visage », où l'espoir gît « étouffé par la stagnation » dans un bourg « habité par des chômeurs aigris, torturés par « le souvenir d'un passé prospère », dans le maléfice des feuilles mortes, des résidis de résidus, et ce cadavre épouvantable. Des feuilles dans la bourrasque s'inscrit toujours, s'écrit déjà dans un regard enfantin, naïf et lucide, celui du petit Gabriel qui savait bien, dans l'obsession des odeurs, que « les jasmins... comme les gens... sortent errer la nuit après leur mort ».
Albert Bensoussan
Extrait (pp. 15-16) :
On étouffe dans la chambre close. Le soleil bourdonne dans la rue, mais c'est le seul bruit qu'on entend. L'air ne bouge pas, je crois qu'on pourrait le toucher et même le tordre comme une tôle. Il y a dans la chambre où l'on a exposé le cadavre une odeur de malles, mais je n'en vois nulle part. Un hamac pend dans un coin, suspendu par une extrémité à un anneau. Un relent de bric-à-brac. Je pense que les objets abîmés et quasiment hors d'usage qui nous entoure ont l'allure des choses qui sentent forcément le bric-à-brac, même s'ils ont en réalité leur odeur à eux.
J'avais toujours cru que les morts devaient porter un chapeau. Maintenant je vois que non. Je vois qu'ils ont la tête comme de l'acier et la mâchoire prise dans un mouchoir. Je vois que leur bouche est légèrement ouverte et que leurs lèvres violettes se retroussent sur leurs dents noircies et irrégulières. Je vois qu'ils mordent d'un côté leur grosse langue pâteuse, un peu plus foncée que le visage, qui a la couleur des doigts quand on les boudine avec une ficelle. Je vois qu'ils ont les yeux écarquillés, beaucoup plus que les vivants ; des yeux exorbités par l'angoisse, et leur peau a l'aspect d'une grosse motte de terre mouillée. J'avais cru qu'un mort ça ressemblait à quelqu'un qui dort paisiblement et maintenant je vois que c'est tout le contraire. Un mort ça ressemble à un homme réveillé et furieux après qu'il s'est battu.
→ Certainement pas le meilleur roman pour découvrir Gabriel Garcia Marquez... mais un roman à conseiller à tous les amoureux de cet auteur !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire