dimanche 19 avril 2009

La Passion selon Juette

Roman adultes
La Passion selon Juette

Clara Dupont-Monod
Le livre de poche, 2009 - 175 p.

Note : 4/5

Quatrième de couverture : Juette naît en 1158 à Huy, une petite ville de l'actuelle Belgique. Mariée à treize ans, elle est veuve cinq ans plus tard. Juette est une femme qui dit non. Non au mariage. Non aux hommes avides. Non au clergé corrompu. Elle n'a qu'un ami et confident, Hugues de Floreffe, un prêtre. A quelles extrémités arrivera-t-elle pour se perdre et se sauver ? Car l'Église n'aime pas les âmes fortes... De ce Moyen Âge traversé de courants mystiques et d'anges guerriers, qui voit naître les premières hérésies cathares, Clara Dupont-Monod a gardé ici une figure singulière de sainte laïque.

L'histoire d'une fille, puis d'une femme, qui se lève contre le monde établi, monde masculin, monde hypocrite, cruel et violent de l'Église... Elle refuse la vie qu'on lui trace, et décide de vivre sa vie et sa croyance en Dieu à sa façon... Elle devient donc une hérétique...
Mais avant cela, elle a été mariée, très jeune... Elle est tombée enceinte deux fois. Son premier bébé est mort-né, le second a vécu mais elle l'a toujours rejeté. Extraits :
« Comment croire que la copulation, un acte aussi infect, engendre la vie ? C'est impossible. Rien ne peut naître dans les larmes et la salissure. Moi, je comprends qu'un être ainsi conçu préfère mourir. Ce pauvre bébé a été plus clairvoyant que moi.
La maternité manque au tableau. Je ne suis pas encore une vraie femme. C'est une bonne nouvelle. La maternité, c'est l'addition d'un homme et d'une rivière de sang. Je suis sûre que la Vierge comprend cela. Elle au moins, elle est restée pure. Elle n'a pas connu l'aberration du corps qui gonfle. Le corps envahi de l'intérieur. C'est horrible, la chair enflée et les reins qui tirent. D'où vient ma punition ? Qui a décidé cela ? Moi, peut être. « Oui, je le veux »
J'ai encore très mal. Je ne peux pas oublier qu'une tête a glissé hors de moi. Dans mes pires cauchemars, je n'avais pas imaginé qu'un visage violet puisse surgir d'entre mes cuisses. » p.75
« Si seulement je pouvais accoucher d'un enfant mort, comme le précédent. » p.81
« L'enfant aussi a faim. Il hurle mais je refuse de le nourrir. Une voisine s'en charge.
Je ne lui ai pas donné de nom. Mon mari en a trouvé un. Il me l'a dit mais je ne m'en souviens plus. » p.91
« Je ferme la bouche pour ne pas hurler. Je sens un animal se débattre dans ma gorge. Mon ami s'en va. Je me lève pour le retenir, mais quelque chose s'agite sur mes jambes.
On a posé l'enfant sur mes genoux. Non, merci, cette chair rouge me dégoûte, vous pouvez le reprendre ? Ce n'est pas le moment, reprenez cet enfant. Hugues et Jean, attendez. Ils ont disparu. Donnez-le à la nourrice, voilà, qu'elle l'emmène très loin, vite, avant que je ne le jette contre un mur. » p.93
Le texte est violent, choquant... Mais avec un peu de recul, comment ne pas partager cette détresse ? L'histoire se déroule au Moyen Âge, où le mariage d'une jeune fille de 13 ans à un homme de 30 ou 40 ans son aîné était monnaie courante. Mais comment imaginer que ces jeunes filles pouvaient être heureuses ? Elles ne savaient pas grand chose des relations entre deux époux, elles découvraient donc le sexe et la maternité "sur le tas"... mais bien jeunes, et de façon bien violente...

→ Livre dense et pas toujours simple d'accès. Certainement à lire plusieurs fois... Très belle révélation.


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